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Lola est de celle que l'on quitte. C'est du moins ce qu'elle
croit. Passée en l'art de choisir celui ou celle qui, immanquablement,
la laissera sur le carreau, devenue athlète à l'épreuve
de l'impossible, elle a collectionné les passions.
" La passion selon Lola " est l'histoire d'un calvaire : les
prénoms se succèdent dans le cur de Lola mais, à
l'instant où " l'autre " s'en va, le texte de Lola reste
le même
.
Au cur de la douleur, la répétition nous met la puce
à l'oreille, le ridicule guette.
Cette fois elle a décidé de se soumettre à la rupture,
de la soumettre à la question.
Pierre de touche, elle s'y frotte et, tel un étendard, brandit
sa dernière lettre de rupture, minable photocopie aux arguments
douteux : " je t'aime mais ce n'est pas le moment .Je n'ai jamais
vécu un bonheur aussi heureux, tu es magnifique, mais c'est trop
tôt, trop tard, tu mérites mieux que moi, fais ta vie
Adieu,
Lola "
Dans la saoulerie des mots, l'outrance de la douleur, elle purge son poison
et mène un étrange procès.
Mais de quel crime s'agit-il ? Quelqu'un dit-elle a tué l'amour.
Soudain nostalgique, elle se le remémore ; Soudain haineuse elle
accuse. Solitaire depuis toujours et à jamais dans l'urgence du
dialogue, elle s'invente un partenaire. Le délire n'est pas loin.
Elle gesticule, gémit, s'épanche.
Interroge tout ce qui lui tombe sous la main : de la bible au magazine
féminin, à défaut de verdict, elle confronte les
oracles et en perd son latin. Qu'est-ce qu'une femme ? Qu'est-ce l'amour
?
Que cherche Lola ?
La spirale l'entraîne et c'est au cur de ce mouvement que
le clown trouve son ivresse. Car Lola est un clown, tragique, ridicule
et saisissant.
A force d'être nulle et risible*
: Elle met son image en pièces.
D'un coup de pattes effaçant les contours de son maquillage, l'ivresse
tombe. Et avec elle le nez.
Lola découvre alors qu'à travers l'abandon, Lola n'a cessé
d'espérer Lola.
L'équation se révèle avec son inconnue.
Anne Cornu
*Abattant dans la risée, dans le grotesque,
dans l'esclaffement, le sens que contre toute lumière je m'étais
fait de mon importance. Je plongerai. Sans bourse dans l'infini esprit
sous jacent ouvert à tous, ouvert à moi-même à
une nouvelle et incroyable rosée à force d'être nul
et ras
et risible
Henry Michaux " Le Clown "
(L'espace du dedans)
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